Louise Harel, Femme féministe inspirante
Suite à la controverse suscitée par les propos de la Ministre responsable de la Condition féminine, Madame Lise Thériault, qui s’est décrite « égalitariste », je me suis tournée vers deux femmes inspirantes qui ont gracieusement accepté de m’entretenir de leur éveil féministe, des avancées et des perspectives de la condition des femmes : Madame Louise Harel dont la carrière à l’Assemblée nationale s’étend sur près de 28 ans, suivi par un passage de 4 ans à la politique municipale; et Madame Sophie Tétrault–Martel, une jeune bachelière en travail social et stagiaire à La Marie Debout aux sessions automne-hiver 2014-2015, dans le cadre de sa concentration en intervention auprès des communautés.
Roxane Thériault (RT) : À quel moment êtes-vous devenue féministe?
Louise Harel (LH) : Je suis devenue féministe assez tard finalement. Je dirais que c’est après la naissance de ma fille Catherine en 1975.
Quand on est étudiante à l’université, on pense que homme ou femme, on va être traitéEs de la même façon. Mais ensuite on se rend compte que dès qu’il y a la naissance d’un enfant, la société exige beaucoup plus de la mère que du père. Quand Catherine est née, il y avait eu un refus de l’état civil d’inscrire son double nom Harel-Bourdon. Il a fallu se reprendre après la réforme du Code civil dans les années 1980.
Il fallait modifier en profondeur le Code civil. Par la suite, je me suis rendue compte qu’il n’était pas suffisant de modifier les lois.
RT : Dans les 30-40 dernières années, quels ont été les moments marquants de la lutte des femmes pour améliorer leurs conditions de vie?
LH: Entre 1964 et 2000, c’est le projet de loi présenté par Claire Kirkland-Casgrain et l’adoption du Bill 16 qui mettait fin à l’incapacité juridique des femmes mariées jusqu’alors traitées comme mineures. La modification du Code civil, la loi sur le partage du patrimoine familial, la loi sur la perception automatique des pensions alimentaires, la loi sur les congés parentaux, la loi sur les centres de la petite enfance, la loi sur l’équité salariale et l’avortement libre et gratuit qui a été obtenu au Québec en 1978, dix ans avant le jugement de la Cour Suprême qui décriminalisait l’avortement.
RT : À titre de ministre, de quelles réalisations êtes-vous la plus fière?
LH : J’ai fait adopter la loi sur l’équité salariale et la loi pour créer Emploi-Québec. J’ai mis en place le Collectif des entreprises d’insertion. J’ai aussi lancé la centaine de Carrefours Jeunesse-Emploi, une idée de Monsieur Parizeau. J’ai fait la réforme de la Régie des rentes.
En 2002, j’ai été la première femme présidente de l’Assemblée nationale. Il n’y a pas eu d’autres nommées depuis. J’étais à l’ère des pionnières, mais il y a encore de la place, particulièrement dans les affaires. (…) Il est très important de soutenir les femmes qui ont de l’ambition, de les accompagner, de les célébrer pour qu’elles ne soient pas effacées comme avant. Malgré les apparences, la politique est un rapport de force (…) de compétition qui se joue de plus en plus de manière démocratique. Nous sommes privilégiés quand on pense que pour une partie de l’humanité, ce rapport de forces s’établit avec les armes.
RT : Avec la mondialisation, quelles sont les perspectives pour l’amélioration des conditions de vie des femmes d’ici et d’ailleurs?
LH : On ne pourra pas progresser au Québec et en Europe si le sort des femmes à travers le monde est quasi celui de l’esclavage. Les femmes constituent une majorité dans le monde, mais elles deviennent une majorité invisible. Elles disparaissent sous la burka, le voile intégral comme si on voulait rayer leur existence de l’espace public. Cela m’inquiète énormément!