Si mon corps est un pays
Je suis la bohémienne
Je voyage d’un membre à l’autre
Mon pays est Mémoire
Celle de mes ancêtres
Celle de mes plaines, de mes montagnes
De mes ruisseaux et de mes cascades
De mon lac parfois sec ou d’une eau claire et limpide
Mon corps est un pays d’eau
Les rivières coulent dans mes veines
D’un rouge tellement foncé
Certaines ont de vieilles blessures d’âme
Quand j’y repense, mon cœur s’accélère
Mon pays s’agite
Je veux faire la paix
Avec moi, avec mes remords
Je reprends le chemin du plaisir
Je refais de la place dans mes veines
Pour une meilleure circulation
Mon pays vit en paix maintenant
Sans oublier ses cicatrices
Son histoire et ses racines
J’accueille mon corps comme il est
Je l’habite
J’habite tantôt mon cœur
Là d’où tout se propulse
Là où tout revient
J’habite le centre du monde
Le magma de la terre
La chaleur de la planète
La puissance de la nature
Je bats à tout rompre
J’habite mon cœur
La capitale où tout se passe :
Les bruits, les émotions
Le changement, l’amour
Le ressentiment, la colère
La douceur, la plénitude
Parfois c’est plutôt ma tête la capitale
J’habite tantôt dans mon intelligence
Mes insatisfactions
Je vis loin de l’acceptation
Dans la droiture, l’absolu et l’intransigeance
Mais
À bien y penser
Je suis plus souvent dans mon cœur
Parce je ne m’aime pas toujours quand je suis dans ma tête
Je vis dans mon cœur jusqu’au bout des doigts
Là où mes ancêtres vivaient aussi
Je vois que tout passe par le cœur
Ma tête informe mon cœur
Et mon cœur informe ma tête
J’habite mes jambes
J’explore, je bouge
Avec les femmes d’avant et de demain
Je continue la marche vers la liberté
Je suis solide, je suis sensible
Je marche dans les traces de celles qui m’ont précédée.
Nous avons soif de justice
J’habite mes mains
Gardiennes de ce que je veux bien garder
C’est le pays de mes Ancêtres
De ma mère, de mes grands-mères
De mes arrières grands-mères…
Elles ont travaillé dans l’ombre avec leurs mains
Sans reconnaissance
Sans elles, personne n’aurait manger
Personne n’aurait eu de vêtements à porter
Personne n’aurait été bercé
Ma reconnaissance est transgénérationnelle
J’habite mes yeux
Je découvre ce qui m’entoure
J’habite encore mon cœur
Pour mieux voir ce qui m’entoure.
*
Si mon corps est un pays :
Il se situe sous la prison des côtes
Il se sent à l’étroit, il veut explorer d’autres sensations
Il veut sortir de cette prison qui l’étouffe
Se sentir libre, sentir l’air de l’amitié, de l’amour, de la reconnaissance
C’est un petit pays mais il a sa royauté, sa grandeur d’âme
Je vais briser les liens qui m’étouffent
M’enraciner dans le cœur aimant.
Je me trouve sur le bord de l’eau
Le vent a parfois fait des dégâts
Mais sa présence est toujours aussi libératrice
En paix avec mon passé
Fière de mon histoire
Mon pays est imparfait mais rempli d’amour
Je me libére de mes racines étouffantes et je les porte fièrement
Comme un porte-bonheur.
*
Si mon corps est un pays :
Je me trouve au pays des essentielles
Au pays des tourmentées
Au pays des blessées
Des déracinées ou des enracinées ?
J’habite un pays entrelacé de diversités
D’histoires et de bagages
Bagages à apporter, bagages à traîner
Je n’ai pas le choix
Je suis au pays de mon identité
Pleine d’histoires mais de quelles histoires ?
J’ouvrirai ces bagages afin d’honorer d’où je viens
Accepter ceux qui me sont imposés
Ces bagages seraient peut-être moins lourds à trimballer
Si j’arrivais à les imprégner dans mon corps
Puisque je ne peux les rejeter
J’habite un pays sans frontière
Rempli de l’ADN de ma prochaine étape
Je la veux toute pleine de reconnaissance
Remplie de fantômes bienveillants
De déesses de joie et de sorcières douces…
Remplie de moi
Afin de me sentir bien vivante
Bien ancrée dans mon pays de l’essentiel.
Texte collectif écrit dans le cadre de l’atelier Santé vous bien!
Marie Langagée regroupe tous les textes collectifs et anonymes.
Un voyage d’images et d’émotions dans tous ces mots.