À la rencontre de… Lise G.
5 QUESTIONS
ET UN PORTRAIT
LMD. – Si tu avais à faire ton portrait en quelques mots, quel serait-il?
LISE. – Je me considère comme une femme pleine d’énergie. À 73 ans, j’ai une très grande capacité à m’émerveiller, je suis contente de ça, ça m’irradie à l’intérieur. Bien que l’on me dise que je ne fais pas mon âge, j’ai l’image des femmes de l’an 2000. Bien différente de celle de nos grands-mères. J’aime le côté humoristique des grandes questions politiques mais faites dans l’humour.
Je suis une femme engagée depuis 5 décennies. J’ai commencé à 22 ou 23 ans par le théâtre avec Charlotte Boisjoli et Jean Pierre Ponpin qui faisaient du théâtre politique. J’ai été membre du FRAP (Front d’action politique) et dans le théâtre des travailleurs. À l’époque, j’ai laissé ma job de puéricultrice pour aller travailler comme serveuse. J’ai alors ouvert la Presse et j’ai fermé les yeux et j’ai pointé du doigt et suis arrivée au casse-croûte de l’Hôpital Ste-Justine. Je me suis dit « Je vais militer! » C’était ma période ouvriériste. « Je vais militer au syndicat! » Mais y’avait pas de syndicat! Ben on a fait rentrer le syndicat, ça a pris 2 ans.
Dans ces années-là, les syndicats c’était fort, il y avait beaucoup de manifestations et on gagnait des choses jusque dans les années ’80. Après ça, on faisait des manifs mais on ne gagnait presque plus rien.
Je ne me définissais pas comme féministe à l’époque, j’en avais plein les bottes. Le féminisme est arrivé au début des années ’80, après ma séparation sur la question de revendication du droit à l’avortement. J’ai lu des livres en lien avec le féminisme comme Ainsi soit-elle, Du côté des p’tites filles d’Elena Gianini Belotti. J’étais autodidacte et pas à l’intérieur d’un mouvement, bien qu’au conseil central j’étais présidente du comité Condition féminine. Ça a commencé comme ça. J’étais infirmière à l’époque et je me sentais unifiée et équilibrée, mais en même temps dans mes valeurs.
LMD. – Qu’est-ce qui t’a amenée à franchir la porte de La Marie Debout une première fois?
LISE. – Je suis revenue dans le quartier de mon enfance en 2008. Je me suis dit « Y’a sûrement un centre de femmes ici. » Je n’étais jamais entrée dans un centre de femmes avant. Je trouve l’adresse de La Marie Debout, je m’y rends, je sonne et c’est Marie-Iris qui m’accueille et qui m’indique qu’il y a une activité qui débute à 13h. Elle m’invite alors à revenir pour y participer. Hésitante, j’ai dit ok.
Quand je suis arrivée, l’activité portait sur la mise à jour du féminisme au Québec. Après, il y a eu l’assemblée générale où on a présenté le projet voulant dénoncer les modèles de femmes vieillissantes qui ne se reconnaissent pas dans notre société. J’avais plein d’idées et Suzanne Boisvert m’a approchée pour travailler sur ce projet intitulé Nous les femmes qu’on ne sait pas voir! Il faut dire que Suzanne Boisvert savait installer un climat de confiance en utilisant, entre autres, le jeu du leader. Je me suis impliquée pendant 5 ans. Ce fut passionnant, on a fait la tournée avec ce projet à travers tout le Québec, on a visité plus de 60 centres.
LMD. – Qu’est-ce qui occupe ton corps et ton esprit en ce moment?
LISE. – Dès mon plus jeune âge, et cela est dû à ma mère, c’est d’être en forme, bien bouger, me sentir fluide. J’ai toujours été à l’aise avec mon corps. Ça m’habite encore, d’autant plus qu’en vieillissant l’important pour moi, c’est de bouger, de randonner, de suivre des cours de patin, car j’ai redécouvert ce plaisir de patiner! J’enseigne la gymnastique holistique depuis 15 ans. Je cherche à me garder en mobilité le plus possible, retarder l’usure du temps et garder l’équilibre entre le corps, l’esprit et le cœur. C’est comme une façon de méditer. Bref, me garder en équilibre, mettre de la couleur dans le quotidien, surtout maintenant en période de pandémie.
J’ai repris les cours de peinture. Entretenir un réseau d’amies, cultiver l’amitié c’est vraiment important pour moi, surtout en vieillissant.
LMD. – Quels rêves caresses-tu pour le futur?
LISE. – Continuer à me connaître, à me découvrir. J’ai consulté pendant plusieurs années et ce fut un bon investissement pour moi. Faire un nettoyage du passé, apprendre à le vivre ensemble. Je veux continuer dans cette veine. Je suis en étroit contact avec mes filles, on s’aime beaucoup. Avec mes petits-fils j’ai une relation particulière. On converse, on échange beaucoup. Je rêve d’aimer beaucoup, de continuer à entretenir cette flamme que je sois seule ou pas, d’avoir des amitiés profondes et précieuses, de poursuivre mes rendez-vous annuels avec mes amies. Et je m’aime bien!
LMD. – Comment inviterais-tu d’autres femmes du quartier à découvrir La Marie Debout?
LISE. – Mon Dieu, mon Dieu!!! Ça leur ferait tellement de bien. La Marie Debout c’est une place sécuritaire où la confidentialité est sacrée, où on ne juge pas, où on croit au potentiel de toutes les femmes. On a toutes du potentiel, mais bien souvent on l’ignore.
Dans un centre de femmes, on se dit « ben, on verra », on se fait confiance. C’est pas rigide dans les projets organisés, puis ça marche. On fait confiance, car les femmes ont du potentiel. Pour moi, c’est comme un vœu pieux, mais ça se travaille ces affaires-là. Tout ça c’était pas la même méthode que j’avais apprise dans le passé. Dans le projet Nous les femmes qu’on ne sait pas voir, des femmes qui ont de la difficulté à développer, à argumenter, expliquent à leur façon comment elles vivent leur féminisme ou la discrimination qu’elles subissent, par le biais du dessin. Alors ça, ce fut révélateur pour moi, des leçons d’humilité, toucher le profond des femmes sans se connaître et ce, à travers le Québec. On se ressemble beaucoup tout en étant très différentes: les besoins, la profondeur de croire en son potentiel et de découvrir des choses.
Alors, femmes de tous âges, de toutes ethnies, de toutes croyances ou de non croyance, de tous milieux, la porte est ouverte ici. Qu’elles viennent en grand nombre, prendre un café, participer à une activité, écrire, échanger, faire quelques sorties à l’extérieur de la ville. C’est une place où on peut se faire des amies. Je me suis faite des amies ici. L’humour, le rire et le partage, qu’elles viennent chercher cela ici!
wowww, c’est tellement touchant et stimulant de te lire Lise.
Et ce que tu nous partages sur le corps, la fluidité du corps, j’adopte ton idée et je vais l’intégrer jusqu’à mon plus vieil âge!
C’est très inspirant!
Au plaisir