Environnement et santé des femmes avec Jennifer Beeman
ENTREVUE EXCLUSIVE
avec Jennifer Beeman,
Directrice générale d’Action cancer du sein du Québec
En vue de l’atelier « Nos corps, notre environnement » offert par Jennifer Beeman, Directrice générale d’Action cancer du sein du Québec, le jeudi 22 avril 2021 en collaboration avec La Marie Debout, nous avons discuté avec elle de son parcours, de santé et d’environnement.
* Dans l’entrevue qui suit, le mot “femmes” est utilisé pour parler de toutes les femmes (trans et cis). Quand on parle de questions qui relatent de la biologie, on parle de personnes ayant des ovaires ou parfois les termes femmes cis, hommes trans, personnes non-binaires afan (assignée fille à la naissance).
LMD. – Pourriez-vous, en quelques mots, nous parler un peu de vous et d’où est né votre
intérêt pour ces sujets?
JENNIFER. – J’ai commencé mon implication dans le mouvement des femmes, il y a des décennies, dans ce qu’on appelait à l’époque le mouvement « d’auto-santé des femmes ». Alors, le droit à l’avortement n’était pas encore acquis. Les femmes, on ne connaissait pas nos corps comme il faut et on avait vraiment un sentiment de désappropriation de notre corps par le système médical. Des décisions nous étaient imposées, il y avait très peu de discussions, c’était très difficile de poser des questions et il y avait toute une lutte pour gagner nos droits vis-à-vis le contrôle de notre corps, des luttes pour se tenir debout face au pouvoir médical, des luttes pour la science, qui connaissait mal la biologie des personnes ayant des ovaires, des femmes cis.
Donc, j’ai commencé là il y a plus de 30 ans. Mais, mon travail rémunéré était vraiment dans les droits des femmes au travail et ce sont des questions qui me passionnent toujours, mais j’avais atteint la fin d’un chapitre et je cherchais autre chose. Et je trouvais que c’était le mouvement environnemental qui posait les questions les plus importantes, qui trouvait les solutions les plus novatrices et, vraiment, qui questionnait, profondément, le système économique. Donc, je voulais vraiment me diriger vers le mouvement environnemental. Puis, le poste s’est ouvert à Action cancer du sein, alors avec un pied vraiment dans le mouvement de santé des femmes et l’autre dans la santé environnementale et des questions profondes sur notre lien entre la santé et l’environnement à partir d’une analyse féministe intersectionnelle, je me suis dit « Wow wow! Oui, c’est ça que je veux! ».
J’ai le grand privilège de travailler à Action cancer du sein, un groupe formidable, des membres dévoués, de longue date, mais on a aussi toujours de nouvelles membres, un CA très fort et impliqué. On a une très belle équipe et ça va très bien. On travaille dans un réseau de groupes qui est toujours grandissant. On travaille avec des groupes à travers le Canada, de plus en plus ancrés dans le mouvement des femmes ici au Québec. C’est vraiment un groupe formidable!
LMD. – Vous avez parlé du lien entre l’environnement et la santé personnelle. C’est un sujet dont on entend parler très souvent. On sait bien que l’environnement a un impact sur celle-ci. Pourriez-vous nous parler un peu de ce lien, entre la santé personnelle et l’environnement, puisqu’il n’est pas toujours clair?
JENNIFER. – Oui, c’est bien ça. Nous sommes des organismes biologiques qui vivent en interdépendance avec notre environnement. C’est vraiment de creuser la question. C’est quoi l’environnement? C’est vraiment le coeur de l’atelier « Nos corps, notre environnement », alors il faut venir à l’atelier, parce que c’est aussi un sujet qu’on veut explorer avec les femmes. Les femmes ont beaucoup de connaissances, beaucoup de réflexions et d’idées. Moi, j’apprends autant des femmes que je partage. On a des questions qu’on pose aux femmes telles que: Comment on vit tout le temps en interdépendance totale avec notre environnement? Quels sont les points de contact entre nous et l’environnement? C’est où, c’est quoi et d’où viennent les questions de santé environnementale? Ce sont ces thèmes dont nous allons traiter dans l’atelier.
LMD. – Dans votre atelier nous allons explorer les éléments de base de la santé environnementale. Quels sont-ils?
JENNIFER. – On va parler des voies d’exposition dans notre environnement. Il y a des choses qu’on utilise qui entrent dans notre corps. Alors par où? Comment? C’est quoi? Qu’est-ce qu’on peut faire? Comment est-ce qu’on peut savoir? Pourquoi est-ce que ce n’est pas mieux réglementé? Ainsi, j’invite les femmes qui vont venir à l’atelier à réfléchir à ces questions.
LMD. – Votre atelier touche à une approche qui est préventive: comprendre comment on interagit avec son environnement tous les jours, comprendre les choix que l’on fait, connaître son propre corps. Selon vous, quelle est l’importance de cette approche préventive face à la santé?
JENNIFER. – J’avoue que je ne comprends pas pourquoi on néglige toutes ces questions de la prévention. Et quand on parle de la prévention, on responsabilise toujours les individus. On va dire « C’est votre responsabilité de bien manger, de faire de l’exercice, etc. ». Je ne nie pas cela, mais selon moi, on ne pose pas la question de la bonne manière. C’est d’avantage une question de « Est-ce que les communautés soutiennent les personnes avec tout ce dont elles ont besoin pour vivre en santé? ». De commencer toute la discussion dans les communautés au lieu d’une approche que je considère comme néolibérale: de dire que c’est uniquement la responsabilité des individus, sans se préoccuper des conditions dans lesquelles les personnes vivent.
C’est clair au niveau de la science, c’est clair qu’on a un problème avec certains, pas tous, mais certains produits chimiques de synthèse, dans nos meubles, dans nos produits nettoyants, dans nos crèmes et nos cosmétiques. Et on va clarifier c’est quoi tous ces termes, tels que les perturbateurs endocriniens, explorer ce que c’est et pourquoi c’est important de connaître l’existence de ces substances, pourquoi c’est comme ça et comment ça fait partie de notre environnement.
LMD. – Souvent, les gens veulent en apprendre plus mais peuvent se sentir accablés par le volume et par la nature de ce type d’information. Selon vous, comment peut-on garder une perspective informée et à la fois équilibrée (avec espoir!) quand on s’informe sur ces sujets?
JENNIFER. – Oui, tout à fait. C’est une question qui est vraiment importante. Et pour moi, passer à l’action est vraiment le seul moyen que je connais pour combattre ce sentiment d’impuissance. Dans les questions environnementales, de nos jours, quand on voit la crise des changements climatiques, la crise de la biodiversité, la crise du plastique, la crise des substances toxiques, c’est vraiment énorme! Mais, ce qui est intéressant c’est de voir les citoyens et les citoyennes qui se mobilisent et qui font bouger le gouvernement, de façon à ce qu’il ne puisse plus ignorer la volonté des citoyens de voir des lois très fortes au niveau des luttes environnementales.
Les membres de La Marie Debout peuvent avoir plus de détails et s’inscrire à cet atelier en contactant le centre de femmes à: info@lamariedebout.org ou 514-597-2311
Toutes les autres personnes peuvent s’inscrire directement auprès d’Action cancer du sein du Québec en écrivant à: info@acsqc.ca