La sécurité, un droit pour toutes!

Alice Châtel

La problématique de la sécurité des femmes dans l’espace public est un enjeu global qui dépasse les frontières du quartier Hochelaga-Maisonneuve à Montréal. À travers le monde, les femmes sont encore victimes d’inégalités, d’agressions, de violences dans l’espace public : harcèlement de rue, drague insistante, agressions verbales, contacts physiques non désirés, etc., sont encore la réalité de trop nombreuses femmes.

Les tricots-graffiti des femmes de La Marie Debout sont une formidable occasion d'occuper notre quartier tout en passant un message fort
Les tricots-graffiti des femmes de La Marie Debout sont une formidable occasion d’occuper notre quartier tout en passant un message fort

Les sources de ce sentiment d’insécurité sont plurielles. Certes, il est parfois lié au vécu, aux expériences individuelles de chaque femme. Pourtant, sur le plan collectif, l’organisation sociale des espaces urbains est aussi à remettre en question. S’il semble mixte à première vue, l’espace public souligne en réalité avec éclat la différence entre les femmes et les hommes. En effet, l’espace urbain serait finalement un univers masculin, construit, pensé et occupé par les hommes. De ce fait, la plupart des femmes traversent l’espace public tandis que la majorité des hommes l’occupent. L’ethnologue-urbaniste française, Marie-Christine Hohm a, par exemple, réalisé une recherche en 2012 démontrant que « selon le sexe, l’usage de la rue n’est pas le même : les hommes occupent les trottoirs, les cafés, les bas d’immeubles de manière statique; les femmes, elles, ne stationnent pas. Elles sont en mouvement, flânant rarement et évitant les lieux trop masculins. Leur usage de la rue est plus pratique que ludique : aller chez le médecin ou au métro pour rejoindre son travail, faire ses courses… » (Hohm & Raibaud, 2012). Elles ont tendance à se déplacer moins au risque de vivre de l’isolement et c’est finalement toute leur qualité de vie qui est diminuée. Le sentiment d’insécurité vécu par les femmes a donc des conséquences importantes sur leur participation citoyenne.

De plus, alors que les femmes se sentent moins légitimes d’occuper l’espace public que les hommes, elles mettent en place différentes stratégies d’évitement pour passer inaperçues, en choisissant des tenues vestimentaires sobres ou en adoptant une démarche réfléchie : ni trop vite pour ne pas laisser penser qu’on a peur, ni trop lentement pour ne pas laisser croire qu’on est ouverte aux rencontres. Nombreuses sont celles qui évitent certains lieux ou s’interdisent même certaines sorties. L’égalité et la liberté dans l’espace public sont donc illusoires.

Cette inégalité est d’autant plus problématique qu’elle est discrète. En effet, cette inégalité entre les sexes n’a pas de traces visibles dans l’espace mais elle est fermement ancrée dans les pratiques. On assiste ainsi à une « naturalisation » du sentiment d’insécurité vécu par les femmes. En effet, la rue serait un danger pour les femmes parce qu’elles seraient « naturellement » plus vulnérables et fragiles que les hommes. On associe encore aujourd’hui l’extérieur à l’homme et l’intérieur à la femme. L’intérieur étant perçu comme un espace plus sécuritaire, et ce alors même que la majorité des violences subies par les femmes se fait à la maison à l’abri des regards.

Il est urgent de dénoncer cette inégalité et de revendiquer notre droit à la libre circulation, en toute sécurité, à toute heure, en toute saison et où bon nous semble afin que chaque femme puisse exercer sa citoyenneté pleinement. Grâce à leur prise de parole et à leur occupation de la Place Valois le 8 mars dernier, les femmes de La Marie Debout ont déjà fait un grand pas vers l’égalité, la liberté et l’autonomie en dénonçant publiquement leur sentiment d’insécurité dans le quartier.

Référence
Bernard-Hohm, Marie-Christine & Yves Raibaud. 2012. Les espaces publics bordelais à l’épreuve du genre. Métropolitics.eu.

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