L’aide médicale à mourir

Francine Quesnel

Nous en entendons parler sur toutes les tribunes, mais j’étais loin de me douter que j’aurais à assister un jour à l’aide médicale à mourir d’un membre de ma famille, ma belle-sœur.

À L’automne 2018, ma nièce Karine nous a avisés que sa mère Sylvie devait subir une opération pour un cancer du pancréas. D’après elle, c’est aussi grave qu’une intervention à cœur ouvert. L’opération s’est faite le 20 novembre 2018 à Montréal. Sa fille Karine est venue coucher deux soirs chez moi en attendant que sa mère soit dans une chambre avec un lit pour elle. Une autre nièce est venue dormir le troisième soir chez moi parce qu’elle a dû prendre la relève pour être au chevet de Sylvie. J’étais Tellement heureuse de les accueillir car elles habitent à plus d’heure de Montréal. Cela a été très bien apprécié par Sylvie.

Dès sa sortie de l’hôpital Sylvie a toujours eu des douleurs et de plus en plus au fil des mois. Au printemps 2019, son état de santé s’est détérioré à tel point qu’elle a dû être hospitalisée avec plus aucun espoir de guérison. À la fin du mois de juin, Sylvie m’annonce qu’elle a demandé l’aide à mourir et qu’elle souhaite la présence de la famille. C’est prévu pour le 6 juillet. C’est bien sûr un choc, mais je peux la comprendre. Quelques jours plus tard la date a changé pour le 1er juillet, parce que à cause des douleurs atroces et de la morphine plus forte, le médecin pensait qu’elle ne pourrait pas signer les papiers de l’aide à mourir le jour même car elle peut changer d’idée jusqu’à la dernière minute.

Le 28 juin, trois jours avant l’évènement, elle a eu la force de fêter ses 61 ans dans un chic restaurant, entourée de parents et amis.

Pour la journée du 1er juillet, elle nous a demandé d’être là pour 9h, car le rendez-vous avec le médecin était prévu pour 10h. Quand je suis arrivée avec mon garçon, une amie finissait de la coiffer. Elle était vêtue d’une magnifique robe noire. Ensuite elle désirait aller fumer une dernière fois. Nous l’avons suivie en délégation à l’extérieur. C’était une journée splendide, au bord de la rivière Châteauguay. Elle n’avait pas l’air souffrante. Elle était sereine et très calme. J’ai alors eu l’impression qu’elle voulait profiter de ce moment le plus longtemps possible avec les personnes qu’elle souhaitait avoir près d’elle. Nos bisous et câlins lui faisaient sûrement du bien.

Alors, j’entends une de ses amies lui dire : « Qu’est-ce qu’on est venus faire ici Sylvie? C’était pour que tu fumes? Et bien il faut le faire maintenant car nous devons rentrer! ». Sur le coup, j’étais saisie et à ce jour j’entends encore cette phrase dans ma tête. Mais c’était la réalité.

Nous sommes tous entrés dans un solarium ensoleillé. Un lit avait été installé. Karine a présenté à sa mère quelques bouteilles de vins et elle a demandé celui qu’elle voulait boire. Elle a fait son choix et ensuite elle nous a tous servis une coupe. Sylvie nous a dit : « Je vais prendre soin de vous!  »

Le médecin est arrivé avec l’infirmière et il a commencé les injections et c’est au même moment que nous étions en larmes. À la fin, il a écouté son cœur puis il a regardé sa fille et lui a fait signe que c’est fini.

Le 6 juillet, c’était les funérailles à l’église et ensuite à sa demande nous sommes tous allés sur les terrains privés de mes deux beaux-frères au bord du lac Saint-François. C’est là qu’elle voulait que ses cendres soient déposées. Nous étions tous réunis et tristes de ce départ.

Voir les commentaires (3)
  • Notre belle Sylvie c’était une grande dame, elle a eu un courage et la force que moi je n,aurais pas eu. laisser les siens qu’elle aimait tant sans verser une larme. nous dire qu’elle nous aimait et qu’elle allait nous protéger. je lui souhaite une paix éternelle sans souffrance et nous garderons en mémoire toutes les belles choses qu’on a vécu ensemble . Tu occupes une grande place dans mon cœur . Merci Francine pour ce beau témoignage. xxxx
    Gisèle & Oscar

  • Karine Taillefer
    Karine Taillefer Wow matante je n’avais pas vu ce texte ♥️ je suis super touché de lire ceci et comme je dis toujours effectivement on en attend parler souvent, mais le vivre c’est quelque chose de très différent et malgré la grande tristesse de ce geste médical il y a quelque chose de très beau et calme dans l’aide médicale à mourir

  • C’est un très beau témoignage d’un deuil vécu en famille. Ce sont des moments intenses qui jalonnent la vie et nous marquent à jamais. Merci de nous les partager.

  • Merci Francine pour ce magnifique témoignage, tu nous a fait partager un moment très spécial et intime avec ta belle-soeur, c’est vraiment impressionnant et d’une belle douceur cette dernière journée de fin de vie. Tu as une belle sensibilité et cela se ressent tout au long de ton récit. Bravo pour ce très beau texte. Louise B.

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