Les exclues informatiques: âgées et déconnectées?

Gaëlle Russier

Quand j’entends parler de l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et des communications (TICs), régulièrement des questions d’accès, de facilité et/ou difficulté d’apprentissage lié à l’âge est mise de l’avant comme explication d’une exclusion. Pourtant il me semble que nous oublions trop souvent une partie de la problématique, surtout pour les femmes.
Tout d’abord oui, l’explication de l’accès à une connexion comme raison de l’exclusion des femmes dans l’utilisation d’ordinateur va de soi, car c’est certain que, sans accès, cela limite d’autant les possibilités! De même, nos capacités d’apprentissage sont clairement moindres en vieillissant. Et pourtant, en regardant autour de moi intuitivement, je dirais que ce n’est pas seulement l’apanage des femmes âgées et non connectées que d’être exclues! Combien sommes-nous à n’avoir jamais eu de cours d’informatique et donc réduites à apprendre de façon autodidacte dans nos emplois respectifs? Hum combien?
Par rapport aux nouvelles technologies et l’ampleur qu’ont pris les médias sociaux ces dernières années, nous sommes obligées de pitonner un peu plus, d’essayer et souvent finalement de s’arracher les cheveux sur d’improbables manipulations pas toujours très efficaces! Mais quelle fierté quand enfin nous parvenons à nos fins, que nous découvrons l’accès facile et que soudain tout va si vite… et les réactions fusent sur la toile en quelques secondes!
Mais réalisons-nous que cela en rajoute aussi un peu plus dans les besaces des femmes? Je m’explique comme encore trop nombreuses sont les femmes à devoir endosser des missions dites soi-disant féminines: le repas, le ménage, l’épicerie, ou encore le soin porté aux autres revient aussi en général aux femmes. Quel temps nous reste-t-il pour nous autoformer? Si l’égalité était vraiment atteinte, alors ce serait juste génial. Les femmes auraient le choix, je dis bien le CHOIX de passer leurs temps sur les médias sociaux ou à s’essayer à en apprendre un peu plus pour atteindre leurs objectifs personnels grâce aux technologies plutôt que pour les tâches ménagères… La technologie serait alors notre grande amie utile, pratique et facilitante pour sensibiliser sur des thèmes qui nous tiennent à cœur! Mais faites donc un sondage autour de vous et demandez aux femmes et filles de votre entourage quel est leur rapport aux TICs? Quelque chose me dit que trop souvent ce sera source de méconnaissance, voire de peur ou encore de divertissement comme un autre, mais rarement perçu comme un levier pour s’épanouir.
Et sincèrement combien sommes-nous sur cette planète rendues à pouvoir faire ces choix? Sortons de nos cocons respectifs ici et ailleurs et regardons combien les femmes sont toujours à se débattre avec des questions de survie, de finances personnelles et donc très loin de toutes ces considérations sur les TICs.
Maintenant, sur les questions d’âgisme, je me demande toujours si les jeunes ne sont pas aussi des exclues. Je m’explique entre celles qui passent de Windows à Mac: combien sont-elles à patauger, à chercher le programme qui voudra bien leur rendre la vie plus simple et là encore pour y parvenir être des autodidactes de la chose? Savoir envoyer des photos, poster des billets ou encore écouter de la musique rend-il les jeunes capables d’utiliser professionnellement un ordinateur pour faire un budget, ou écrire une lettre officielle pour l’administration par exemple? Pas certaine du tout!
Enfin, j’observe autour de moi toutes celles qui travaillent avec moi et qui très souvent pitonnent, se plantent et finalement EURÉKA! trouvent la solution! Oui, elles sont nombreuses et elles ont toutes mon admiration, mais je pense toujours aux autres pour qui tout cela est bien difficile, incompréhensible, et si peu accessible.
Cependant, combien de personnes sont capables de tels apprentissages, combien en laissons-nous de côté? La grande majorité, car rien n’est fait pour rendre la chose accessible. Je crois aussi que la connaissance donne certains pouvoirs comme celui d’interpeller nos gouvernements, les multinationales, de pouvoir s’informer mieux si l’on cherche bien que nous en sommes exclues. C’est bien connu, il est toujours plus facile de diriger une population moins éduquée qu’une population avec du savoir et de l’esprit critique. Oui, on nous laisse bêler avec le troupeau, car ce serait bien trop dangereux si nous devenions le mouton noir à tout questionner. Le chemin sera long vers l’ouverture des TICs aux filles et aux femmes de manière égale à celle des hommes, mais nous ne lâcherons pas; à nous de mutualiser entre nous nos savoirs.
Merci à ma mamie qui, à 80 ans, s’est mise à l’informatique et a prouvé qu’il n’y a pas d’âge pour apprendre!

Voir les commentaires (2)
  • Allo Gaëlle ! Je suis bien d’accord avec toi quand tu dis : …..  » Je crois aussi que la connaissance donne certains pouvoirs comme celui d’interpeller nos gouvernements, les multinationales, de pouvoir s’informer mieux si l’on cherche bien que nous en sommes exclues. C’est bien connu, il est toujours plus facile de diriger une population moins éduquée qu’une population avec du savoir et de l’esprit critique.  » Mais moins d’accord quand tu écris : …..  » nos capacités d’apprentissage sont clairement moindres en vieillissant.  » Je trouve le mot « clairement  » un peu fort ! Bravo à ta mamie qui s’est procuré un ordinateur …

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