L’intersectionnalité s’enracine…

Julie Drolet

Le mot intersectionnalité, ce n’est pas vendeur… mais, à La Marie Debout, c’est super important! C’est vu comme un filtre à notre lunette féministe. C’est lutter contre les inégalités et les oppressions par, pour et avec les femmes en s’assurant, comme l’a si bien dit Gabrielle Bouchard du Centre de lutte contre les oppressions de genre, qu’on n’a oublié personne derrière nous. L’intersectionnalité, pour nous, c’est l’inclusion des différences! Dans notre centre, jusqu’à présent, ça s’est entre autres traduit par une sensibilité particulière à l’inclusion des femmes de la rue qui font de la prostitution au coin du centre, par une solidarité avec la réalité et les luttes des femmes autochtones et par un souci d’accueil pour les femmes ayant un handicap.

Loin d’être théorique, notre travail sur l’intersectionnalité s’est fait sans connaître et surtout sans nommer le concept. Notre but était de voir comment travailler avec les membres de notre centre qui ne voulaient pas que ça — traduisez femmes qui font de la prostitution de rue/femmes itinérantes — rentre dans leur centre. Nous étions donc, sans le savoir, dans les notions de privilèges! Nous avons d’abord cherché à comprendre les peurs des membres et avons travaillé à mieux faire connaître la réalité des femmes de la rue et surtout, nous avons insisté sur la mission d’un centre de femmes qui est de soutenir et d’aider toutes les femmes.

De rencontre en rencontre, nous avons fait des adaptations en termes d’hygiène et de sécurité, rassuré les membres sur la capacité d’intervention des travailleuses et rendu visible le réseautage des groupes qui œuvrent avec les personnes itinérantes. De fil en aiguille, l’ouverture s’est faite dans le cœur des membres… Et aujourd’hui, nous pouvons dire que le centre est réellement ouvert aux femmes de la rue!

Dans un deuxième temps, via le projet Nous, les femmes qu’on ne sait pas voir!, nous nous sommes intéressées aux réalités des femmes autochtones pour commencer à tisser des liens de sororité avec ces dernières. Depuis, nous incluons toujours des animations en lien avec cette réalité en plus de développer des projets d’art communautaire tels que ceux faits avec le Théâtre Ondinnok.

Avec l’apport de nos membres, nous avons également travaillé les notions d’handicaps afin de voir les ajustements possibles pour plus d’inclusion. Pour ce faire, une de nos membres, Lise Dugas, nous a transmis ses connaissances sur le capacitisme : forme de discrimination basée sur le handicap qui marginalise certaines personnes par une organisation des structures (école, travail, transport, loisirs…) en fonction des capacités sensorielles, motrices et cognitives décrites comme normales… Comme elle l’explique plus simplement, le capacitisme : c’est l’exclusion des corps non conformes et des personnes qui les habitent[i]. Pour élargir la réflexion, vous avez également le texte de cette dernière sur notre rencontre avec Véro Leduc lors d’un Dîner j’aime mon centre.

Il faut, en tant que féministe, croire en l’importance de la solidarité, l’importance de l’ouverture de cœur aux diverses réalités des femmes, mais surtout à un nous pluriel. Depuis deux ans, nous avons également offert des rencontres d’échange avec des femmes immigrantes du Collectif des femmes immigrantes ainsi que des rencontres sur la transsexualité avec le Centre de lutte contre les oppressions de genre… En sensibilisant face à ces divers sujets, on comprend que, toutes, nous n’avons pas la même réalité, les mêmes difficultés ou privilèges. Par ces sensibilités, on se rend compte qu’il faut faire attention de ne pas reproduire ce qu’on dénonce — l’exclusion — et répondre adéquatement à la mission de briser l’isolement pour toutes les femmes. Et surtout, comme le dit si bien Lise Dugas, « nous avons besoin de toutes les femmes et nous devons toutes les accueillir avec enthousiasme en prenant en compte leurs réalités » !

 

*Ce texte est basé sur une présentation de Lise Dugas et Julie Drolet lors du Congrès de l’R des centres de femmes du Québec en juin 2016.

[i] MASSON, Dominique, « Femmes et handicap », Recherches féministes, vol.26, no 1, 2013, pp. 111-129.

Voir le commentaire (1)
  • Ce texte est un des plus vivant témoignage de ce qui ce vit au Centre de Femme La MArie Debout comme dans les centres de Femme de l’R ( Regroupement des centres de Femmes du Québec) .
    L’intersectionnalité c’est l’inclusion des différences . C’est une sensibilité particulière face à l’autre .

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