Mère parfaite

Francine Quesnel

En souvenir de ma mère décédée, à 97 ans, il y a 10 ans aujourd’hui.

«C’est le temps de nous quitter.

Le moteur s’est arrêté.

Avoir le courage de tout laisser.

Il faut partir sans rien regretter.

Repartir à zéro dans l’éternité.

Et quitter sans se retourner.»

Claire

Ma mère, Claire, était une personne spéciale, je l’avais même baptisée la femme parfaite. Je la taquinais en lui disant que ce n’était pas facile d’être la fille d’une mère parfaite. Née à Saint-Ursule, elle était la quatrième d’une famille de neuf enfants. Son père était fermier. Elle a déménagé à Montréal à l’âge de treize ans. Ses souvenirs d’enfance étaient très précieux, car elle en parlait régulièrement. Elle aimait se remémorer cette période de sa vie. Elle aura été en forme et autonome jusqu’à 95 ans. Le médecin prétendait qu’elle était dix ans plus jeune que son âge « chronologique ». Elle faisait l’envie des personnes qui la rencontraient.

Veuve depuis l’âge de trente-huit ans, elle n’avait que moi d’enfants. Elle a pris soin de sa fille comme la prunelle de ses yeux. Inutile de dire qu’elle m’a choyée. Elle a concentré son amour sur sa progéniture. Je sais que je n’ai pas toujours répondu à ses attentes. Elle aurait désiré que je termine mes études mais cela ne m’intéressait pas à ce moment-là. J’ai plutôt choisi de me marier à l’âge de dix-neuf ans. Elle adorait ses trois petits-enfants et ses trois arrière-petits-enfants.

C’était une mère parfaite pour plusieurs raisons. C’était une personne disciplinée, pieuse, généreuse et très dévouée. Nous habitions ensemble depuis quelques années. Elle et ma fille ont été mes colocs. Nous étions trois générations à vivre ensemble. C’était spécial, car nous avions chacune notre façon de penser et d’agir, c’était tout un amalgame !

À la fin de sa vie, sa mémoire lui faisait défaut. Auparavant, je lui disais que son seul défaut était qu’elle avait trop de mémoire à mon goût, elle n’oubliait rien. Elle avait plusieurs anecdotes à raconter, souvent des choses dont je ne me souvenais plus du tout ou que j’aimais mieux oublier complètement. Quelques fois elle me demandait : te souviens-tu de telle chose ? Je lui répondais : « Je ne m’en souviens pas, mais tu me l’as raconté tellement souvent qu’il faut bien que je m’en souvienne ».

Il est certain que lorsqu’on lui racontait quelque chose, ça restait gravé dans sa mémoire. C’était très encourageant de la voir vieillir en beauté. Quand j’étais jeune et un peu tannante, elle disait : « Tu vas me faire mourir. » Plus tard, elle disait aussi : « Tu seras mon bâton de vieillesse. » À l’époque, je trouvais cette expression très drôle. Elle pensait qu’on devrait enlever le vouloir avec le pouvoir, car, même à son âge avancé, elle avait encore le goût de faire plein de choses. J’ai eu le bonheur de la garder longtemps près de moi, en santé et avec la joie de vivre. Elle sera toujours présente dans mon cœur.

Voir les commentaires (4)

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.