Le projet d’art Santé-vous bien
Depuis près de trois ans, la santé des femmes du quartier Hochelaga-Maisonneuve et des participantes à La Marie Debout est une préoccupation qui a fait naître un rêve. Celui de doter notre quartier d’une clinique de santé pour les femmes.
Mais de quelle sorte de clinique désirions-nous? Une clinique axée sur le modèle des GMF (Groupe de Médecine Familiale) devenu à la solde de l’hospitalocentrisme comme selon cet article de La Presse Le système de santé québécois mis en échec? Non.
Nous rêvions d’un endroit où l’écoute est priorisée, où le potentiel des femmes à prendre soin d’elles-même est reconnu, où l’approche alternative en santé mentale et physique est hautement considérée. Un projet audacieux qui s’est avéré, pour un temps certain, au-delà de nos énergies et de notre influence.
Pour défier notre impuissance, La Marie Debout se dota à l’automne 2018 d’un atelier que nous nommons « Santé-vous Bien ». Cet atelier a pour objectif de mettre en valeur le potentiel des femmes à prendre soin d’elle-même, d’avoir foi en nos capacités d’améliorer notre bien-être. C’est avec empressement que je m’y suis inscrite de même qu’une quinzaine de femmes. Cet atelier est animé par Suzanne Boisvert, notre artiste en résidence depuis près de 10 ans et dont l’expérience en art engagé dans le communautaire n’est plus à démontrer.
Pour défier notre impuissance, La Marie Debout se dota à l’automne 2018 d’un atelier que nous nommons « Santé-vous Bien ». Cet atelier a pour objectif de mettre en valeur le potentiel des femmes à prendre soin d’elle-même, d’avoir foi en nos capacités d’améliorer notre bien-être.
En parallèle à l’atelier, les programmations de l’année 2018 et de 2019 mettent à l’ordre du jour des rendez-vous avec des femmes lumineuses : Renée Ouimet en santé mentale, Karen Messing en santé au travail, Caroline Monet, artiste autochtone qui utilise la création pour se guérir, Lorraine Guay, militante dans le communautaire depuis près de 50 ans et plusieurs autres modèles de femmes aux récits de vie engagés dans leur communauté et où la quête d’un équilibre était priorisée. Elles viennent se joindre à nos 5 à 7, aux diners J’aime mon centre, au Volet de la Santé Globale pour échanger avec l’ensemble des participantes. Ce fut d’une richesse ineffable.
Quand la santé globale passe par l’imagination locale : Passeport pour la Santé Globale.
De la première année du projet jusqu’à la fin de novembre 2019, nous sommes en mode d’exploration: explorer par l’écriture, dessiner avec mon corps, ausculter mon SOI en résonance à la présence du squelette de la LOBA, comme la louve qui chante au-dessus de ses os pour se réapproprier, faisant référence au livre Femmes qui courent avec les loups, de Clarissa Pinkola Estès.
Impossible de tout décrire ces diamants qui ont touchés mon âme, mon coeur et que j’ai partagé avec mes complices de l’atelier. Il y avait nos œuvres écrites et lues, nos dessins-collages-couleurs-installations. Assises en cercle, nos témoignages donnaient chair à nos créations lorsque le bâton de parole passait entre nos mains.
Découvrir « La Femme Tellurique » de Josette Marchessault, artiste qui a connu 50 petits métiers et misères dans sa vie et arrive à son terme en affirmant son autodétermination comme femme. Femme Tellurique. Femme Sauvage, Femme Montagne m’invitant à poursuivre ma quête de l’expérience et du sens.
Avec Gin Bergeron, je visite les sons, les vibrations et les images qu’ils créent au point où j’en arrive à apprécier ce médium souvent rebuté par moi. J’apprends que les sons peuvent guérir le mal être.
Je fais des liens entre féminisme et écologie, l’écoféminisme avec Vandana Shiva, une guerrière. Par le Web, nous faisons la connaissance de l’écoféministe métisse Christi Belcourt et d’artistes de différentes communautés ainsi que de médiums variés. Toutes et tous ont à cœur de protéger la nature à laquelle ils/elles sont directement relié.e.s. de par leur culture et spiritualité.
Toujours en exploration, je marche avec mes consœurs dans les mocassins des femmes autochtones.
J’ouvre mon esprit à la Roue-Médecine des Autochtones : veiller à mon mieux-être physique, mental, émotionnel et spirituel.
Impossible de tout décrire ces diamants qui ont touchés mon âme, mon cœur et que j’ai partagé avec mes complices de l’atelier. Il y avait nos œuvres écrites et lues, nos dessins-collages-couleurs-installations. Assises en cercle, nos témoignages donnaient chair à nos créations lorsque le bâton de parole passait entre nos mains.
Et si nous partagions nos expériences avec les gens du quartier! Et si nous partagions ce chemin avec les gens du quartier, nous disions-nous! Si nous les invitions à visiter une installation composée de toutes nos œuvres qui parlent de Santé Globale et non de médecine à tiroirs! Si nous les convions à cocréer de la santé avec nous!
13 mars 2020 : Le rideau se ferme.
C’est le confinement Covid-19 strict. Il durera 9 semaines
Avant même le confinement, la recherche personnelle d’identifier notre dénominateur commun était en cours.
Quel est donc ce fil conducteur qui saillit de mes écrits, mes dessins, mes réflexions, mes photos, de ma carte mentale depuis le début de ma participation à l’atelier « Santé vous bien »? Quel est-il celui qui me mènera au contenu de mon livre-objet à créer ? Ce filon intérieur garant de l’équilibre de cette œuvre ?
Déstabilisée à tous les niveaux par cette crise climatique planétaire, éloignée de mes amours, je marche dans le vent et la bruine froide. Je pleure et j’ai envie de hurler ma peine et ma colère. Le consumérisme nous a amené à cette crise prévisible depuis des décennies. Nous foncions droit vers le mur. Nous y sommes. J’y suis.
Comment puis-je maintenir, renforcer un certain équilibre, psychique, physique et spirituel face au chaos ? Identifier le fil conducteur de mon existence… oui et revisiter ma carte mentale, mes écrits, mes dessins… l’expérience vécue à l’atelier. Sans trop de recherche, je reconnais que ma quête d’harmonie et d’équilibre a toujours guidé ma vie avec plus ou moins de facilité selon les obstacles et les moyens du moment à ma disposition. Harmonie/Équilibre se transforment alors en Ombre et Lumière. Eureka! Je vais même les faire travailler et danser ensemble . J’ai mon fil conducteur !
Le désir de partager et de cocréer avec les gens du quartier dans cet optique de mieux-être individuel et collectif est toujours vivant au Centre de La Marie Debout.
Il est vrai qu’à partir du moment où j’ai identifié mon fil conducteur, certaines photos, dessins et objets ont été harponnés par celui-ci tel un aimant. Une magie.
Je retrace un dessin qui date de 1990 : Moitié de visage et l’oiseau noir sur mon épaule. Menaçant qu’il m’apparaissait les premières années, il devint mon protecteur par la suite. De cette mutation à l’époque, j’y voyais un travail de collaboration entre moi et mon Ombre. Je scrute mes dessins produits à l’atelier. Il y a la Femme Montagne, guerrière et volontaire aux larges épaules. Il y a aussi cette folle sorcière, femme confrontant qui ricane. D’une photo prise en Islande, je projette sur ce Troll mon cri sorti des zones ténébreuses du centre de la terre.
J’aurai traversé le pire du premier confinement grâce à mon intense besoin de maintenir, de retrouver ou de renforcer mon équilibre, et ce, en plongeant corps et âme dans ce projet. En travaillant avec mon Ombre et mon besoin de Lumière.
L’œuvre est terminée. Les pages du livre-objet se tiennent debout dans leur socle d’argile et rejoindront, éventuellement, l’œuvre collective des participantes de l’atelier « Santé-vous bien ».
Le désir de partager et de cocréer avec les gens du quartier dans cet optique de mieux-être individuel et collectif est toujours vivant au Centre de La Marie Debout. La forme que prendra ce partage est à définir. Ce rêve demeure plus que pertinent dans le contexte de cette pandémie qui a plus d’un aspect nous questionne personnellement, collectivement et ce, à l’échelle de la planète sur les choix politiques de nos gouvernements devenus à la solde des besoins de l’impérialisme mondial.
Lise Gratton
Membre militante au Centre des femmes de La Marie Debout.
De 1972 à aujourd'hui, du théâtre engagé aux centres de femmes, en passant de longues années à militer à l'intérieur du mouvement syndical et d'un groupe de gauche, je suis depuis les années 1980 fortement interpellée par le droit des femmes à avoir accès à des services professionnels, sécuritaires et gratuits d'avortement. Ma rencontre et ma collaboration avec le mouvement des femmes a été pour moi, et le demeure, une étape très significative dans mon engagement social, politique et féministe.