Les mots magiques de l’atelier SANTÉ-VOUS BIEN du Centre des femmes de La Marie Debout

Lise Gratton

Le désir de partager avec les gens du quartier dans l’optique du mieux-être individuel et collectif est toujours vivant au Centre de La Marie Debout!

Notre projet initial d’inviter les gens du quartier au Marché Maisonneuve pour juin 2020 durant 2 jours, oui vous avez bien lu, 2020, a dû être abandonné, pandémie oblige. Mais on ne lâche pas.

La reprise des ateliers à l’automne a été bousculée jusqu’en mai 2021 par une deuxième puis une troisième vague de la Covid-19, entraînant un resserrement des mesures sanitaires et une participation physique au centre très limitée, le zoom étant plus sécuritaire.

Au temps du présentiel, ces ateliers nous permettaient de revenir au centre de soi, puis ensemble, on poussait plus loin nos découvertes. Vivre sa solitude et être ensemble. Mais les vagues successives ont profondément affecté bon nombre des femmes du groupe Santé-vous bien. Tant de mois de privations sociales, affectives et culturelles
nous ont fragilisées. À la reprise de nos rencontres virtuelles fin janvier-février 2021, le défi s’annonçait grand.

Comment maintenir, nourrir nos précieux liens, comment rallumer notre feu intérieur et continuer à créer… par ZOOM, aoutch! Parfois, il faut aider le désir à revenir. Comment faire le lien avec tout le contenu de nos ateliers depuis deux ans sans nier ce que l’on vit maintenant? Un flottement certain était perceptible.

L’une d’entre nous propose un échange de lettres postées. Recevoir par l’une d’entre nous une enveloppe qui parcourt le quartier, la ville, le fleuve, pour nous atteindre enfin… Pas bête. Une autre nourrit l’idée de piger des mots pour créer nos phrases. Des mots pigés!….mais où les piger? Hé bien en créant une correspondance originale qui ferait un lien avec les mots de nos œuvres écrites et nos dessins depuis l’automne 2018. Le voilà le lien. Et c’est ludique. 200 mots tirés de nos textes furent postés par l’équipe des travailleuse aux femmes du groupe. La consigne consistait à créer une phrase originant de 10 mots pigés au hasard et de répéter cet exercice jusqu’au terme de 5 phrases, puis faire parvenir cette lettre de 5 phrases à une femme du groupe, la liste des destinataires ayant été établie préalablement par les travailleuses. Cette démarche devait se répéter aux 2 semaines et ce à 4 reprises. Des dessins, collages, etc, accompagnant ces pages couvertes de mots, étaient encouragés.

Nous avions toutes hâte de recevoir notre enveloppe de 200 mots et de débuter nos phrases avec les mots pigés, donc pas choisis. Un jeu d’enfant, parfois aux résultats loufoques mais très souvent fleuris et poétiques. Après le deuxième envoi un certain abattement se fit sentir dans le groupe. Les dommages collatéraux de plus en plus insoutenables engendrés par la pandémie en étaient la cause. Il nous fallait surmonter ce moment de découragement, se questionner… Les propos de Danièle, accompagnatrice-artiste en appui à notre projet, attirèrent mon attention. Ce n’est pas intégral mais je retiens ceci. Nous faisons partie de l’abattement que nous éprouvons en ce moment. Accueillons-le. Bougeons à l’intérieur de cet état. Créons à travers lui. Puis-je créer autrement ? Sortir du cadre et des consignes. Accordons-nous la permission de le faire. Suite à cet échange avec les participantes du groupe, il y eut davantage de créations lors du troisième et du quatrième envoi. Plusieurs ont dépassé la marge, innové, utilisant davantage ce qu’elles avaient à porter de main pour supporter leurs lettres, usé d’idées originales comme remplacer certains mots par des images, etc. Nous avions réussi. Avoir confiance et croire au processus c’est cela. L’étape suivante arriva: planifier l’espace public à occuper pour partager nos œuvres avec les gens du quartier.

La poésie prend l’air
Ravies de se réunir pour établir un plan afin de partager cette œuvre collective avec nos voisin.e.s , nous réalisons vraiment que le jour J est arrivé. Des équipes sont montées pour le repérage des endroits pertinents pour installer nos œuvres sur des cordes à linge, pour identifier des surfaces sur lesquelles les coller et les brocher. Le 27 mai au matin, animées d’un sentiment du devoir en voie de s’accomplir, nous peaufinons la présentation visuelle et finale de nos compositions issues d’un long travail d’introspection en atelier au fil des mois et nous sortons prendre l’air avec nos mots. L’équipe des cordes à linge, celle du collage puis celle du brochage des œuvres partent, matériel en main, en mission en cette superbe journée ensoleillée.

   

Dehors, sans masque, groupées mais distancées, il fait beau… Nous jubilons du plaisir à se retrouver en présentiel pour objectiver enfin le fruit de ce long processus à « se faire du bien » en plein chaos planétaire. Ce n’est pas rien !
Épinglés sur des cordes à linge à la Place Valois, lieu de rencontre de la diversité de notre quartier ainsi qu’au parc Jacques-Blanchet sur Jeanne-d’Arc, collés sur des surfaces métalliques ou brochés sur les poteaux d’Hydro-Québec en face de la garderie et les rues avoisinantes, les mots magiques des femmes de « l’atelier Santé vous bien » prennent l’air. Ils virevoltent autour des arbres, s’accrochent aux clôtures et battent le vent sur les cordes à linge.
Nous sommes comme nos mots magiques, épivardées au parc Jacques-Blanchet où nous fêtons ensemble en dînant et buvant des bulles sans alcool. Mission accomplie pour ces 10 femmes tricotées serrées autour de la fin improvisée de ce projet qui a vécu lui aussi sa pandémie.

 

 

 

 

 

 

 

Nous avons encore une fois expérimenté, dans la confiance voire le doute aussi, l’importance des petits pas japonais, le prendre son temps, le lâcher-prise, puis l’émergence et le rebond. Il va sans dire que la force du collectif, la persévérance, le support partagé face aux embûches multiples et répétitives de la pandémie ont eu raison de ces obstacles. Les participantes de l’atelier Santé-vous bien sont parvenues à rester groupées. Par la création et je dirais un certain dépassement de soi, elles ont plongé au cœur de leur potentiel et IL EST IMMENSE.

 

 

 

 

 

 

Lise Gratton, membre de La Marie Debout

Voir les commentaires (0)

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.